Triptik
TR-303 -
DVD-303
(Nocturne/ref.
TR303-NT097)
Tr
303, un nom de boîte à rythmes old-school, à la
TR-808, un clin d’œil au matériel des années soixante dix, traité en patchwork
funky et délirant sur la pochette, et c’est peut être aussi une bonne allégorie
du travail de Drixxé, le producteur du groupe. Il y a
trois membres dans Triptik, bien sûr, Drixxé fait les sons et Dabaaz et
Blackboul’ rappent dessus,
et ce depuis 1994. En dix ans, trois albums, un ep et
un disque mixé (par dj Pone) retraçant leur parcours,
« Fondations ». Collection de morceaux méconnus et de maxis, lives, inédits ou collaborations, bref, tout ce qui était
passé à la trappe du public qui n’aura entendu peut être que « Bouges tes
cheveux » en 2001,( de l’album « Microphonorama »), enchaîné avec talent par l’un des
meilleurs dj du monde (certifié ITF et DMC), ce disque est séduisant par ce que
l’on découvre d’eux,
notamment
qu’ils ont toujours été bons, et qu’ils sont fidèles à eux même depuis le
début.
Leur
nouveau disque, tout blanc tout beau, est riche comme les autres de différentes
atmosphères, enchaînées par Drixxé au gré des instrus
d’une richesse et d’une complexité de construction étourdissante. Cet homme
joue du sample, comme il joue du clavier depuis tout
jeune, et dans le respect de la musique qui l’inspire, la soul funk des années
soixante dix. Quand il veut l’évoquer, il ne sample
plus les disques, mais les prises rejouées titillant le thème d’origine, des
touches de ci par là, des touches de la par si.. Il se
sert du sampleur comme d’un expandeur,
construisant ses beats avec les échantillons,
programmés, modifiés, resamplés, pour des morceaux
construits dans l’intégralité, il n’y a plus qu’une ou deux boucle dans tout
l’album. C’est ce travail de composition et d’interprétation, rare dans le hip
hop, exceptionnel dans le hip hop français, qui apporte la valeur musicale de
ce disque, qui séduira et surprendra tout un chacun : Drixxé
est un producteur exceptionnel, injustement méconnu alors même que ses
productions sont demandées voire volées dans le monde entier(si,
si, c’est vrai, mais je ne reviendrais pas dessus, pas de publicité pour ce
genre de méthode.). Quant à expliquer les méthodes de construction musicale de Drixxé, je pense qu’il est explicite avec « R’n’B + Blues + Jazz + Funk + Pop + Rock = Hip Hop
Music », une interlude avec dj Pone : il
tire son inspiration des meilleurs
musiciens, particulièrement attaché à Sly Stone, et
envisage ce disque dans son entier, avec des basses qui font vibrer tout ton
petit corps, des effets diffus dans ta tête, des scratches tout bien placés(
mais que ce soit Pone, Cutee
B ou Dee Nasty qui s’y colle, faut dire qu’ils ont le niveau..), quelques samples, de vrais cuivres, une inventivité débordante liée
à sa connaissance du matériel et sa « Good Vibe » musicale, pour citer l’un des titres de Blacboul sur ce nouvel album.
Première
constatation ils ont tous trois progressé dans leurs styles, Dabaaz comme Black Boul ont
étudiés leurs raps antérieurs pour aller au-delà,
perfectionnant le flow, original, syncopé mais
musical, lié à des écritures fluides, poétiques dans leurs images, directs dans
leur ton. Ils se sont pris chacun deux titres en solo, pour explorer des thèmes
ou des manières plus personnelles, comme le chant pour BlackBoul,
qu’il aborde gentiment sur « So Happy » ou
bien sûr sur le refrain de « HIP HOP », avec Jango
Jack, le premier refrain chanté de l’album, vous savez, celui qui nous fait
remuer les fesses ( « Hip Hop à la folie ! »).
A noter quand même la qualité du clip de ce titre, fruit du travail de trois
graphistes qui ont bossés en complément pour mélanger leurs approches. On
pourra le revoir à loisir dans le dvd 303 du groupe, qui présente les sessions
d’enregistrement du disque, quelques scènes, leurs clips depuis les débuts et
des voyages et délires. Un dvd très frais, sans intensité dramatique, juste un
bon moment « les yeux dedans eux », comme dirait un autre. C’est bien
monté, marrant , funky, didactique, professionnel et
bordélique, sans tabous quoi. On y voit d’ailleurs l’histoire de « Comment
ça », écrite avec les Svinkels au studio, sur
les lois répressives pseudo-sécuritaire d’une version
II de gouvernement, de la conception, plus ou moins aisée pour chacun, à
l’enregistrement, la bière à la main s’il le faut, avec un clip inédit fait des
prises de studio montées. Le morceau le plus en-r/g-agé du disque, vaguement censuré d’ailleurs (pas sur le dvd , enfin pas tout le temps…), mais s’il se réfère à
une temporalité et des évènements que nous connaissons, il est bien assez bon
et fin pour durer plus qu’un gouvernement né du désespoir. Ils travaillent en
artistes, pas en chroniqueurs d’un mal des banlieues ou du fantasme de
l’argent, et leur indépendance sert la profondeur « à mesure qu’on monte
dans le son »..
Des thèmes tels que le Hip Hop, la musique et
le rap business, mais aussi proches d’eux, une nouvelle version de
« Paname » et des introspections tant physiques (« 5
sens ») que psycho (« Qui sommeille en moi » feat.
Kohndo, superbe collaboration d’alter-egos),
ce disque est le plus profond de Triptik, parce que
ça fait dix ans qu’ils sont dans le son, peut-être, parce qu’ils aiment se
surpasser et qu’ils en ont eu les moyens, aussi, parce que musicalement c’est
une grande œuvre cohérente, en accord avec les interprétations textuelles des
acolytes.
Ne ratez pas sur le site l’interview de Triptik, et le petit (petit) freestyle qu’ils nous ont fait !!
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L'Ingrédient - Le.Mag.Indé.Des.Indés - 2003/2005